lundi 11 janvier 2016

Taylor 814 CE un curieux haut de gamme !

 Alors pour commencer l'année, voici un bon exemple du business des instruments de la mondialisation : La Taylor 814 CE vendu 3800 euros, guitare américaine, d'usine, moyen "haut de gamme", puisque chez Taylor on va de la série 100 à 900.
Une personne est venue me voir avec cette guitare, qu'il s'est offert pour Nöel voulant se faire plaisir en acquérant un modèle, qui déjà est d'un certain prix. Hélas sa joie ne fut pas complète puisqu'il se plaignait de la dureté de jeu et de l'inconfort de son instrument : tu m'étonnes !!!

On avait pratiquement 4 mm sous le mi-grave à l'octave, le double de la hauteur normale d'un instrument convenablement réglé, et à peu près la même chose sous le mi-aiguë.
Comment fait-on pour vendre un instrument dans cet état, sur tout qu'il ne s'agit pas d'une vente par correspondance mais dans une boutique de Montélimar, faite par un vendeur censé être un spécialiste. Non non tout va bien, emballer c'est pesé !



De toute façon il n'y a aucun vendeur qui pourra faire ce travail correctement, c'est donc là que j'interviens !


J'aurai dû prendre une photo de la table, car, pour une 814 ce n'était pas un Sitka AAA, mais tout juste du simple A avec les veines du bois très irrégulières, allant de 0,5 à 2 mm de large et pas toujours parallèle.



Côté finition... je sais bien que les Américains ne nous ont jamais envoyé leurs meilleures guitares, puisqu'ils les gardent pour leur marché intérieur, et que les moins bonnes sont en général pour la France, "çà suffira bien pour les fromages qui puent !", ils ne me l'ont jamais dit comme cela, mais par expérience c'est ce que j'avais compris, pour eux ont est pas un peuple de guitaristes et c'est idem pour Fender ou Gibson, leurs meilleures guitares ne sortent pas du pays, souvenez-vous-en !! Bien sûr les vendeurs ne vous diront jamais cela ....
Un exemple ? admirez l'ajustement du talon pour une guitare de ce prix.
Après avoir testé et contrôlé la guitare, je me suis aperçu que les frettes n'avaient pas été nivelés et avaient de petits écarts un peu tout le long de la touche et particulièrement en bout de manche, comme vous pouvez le voir sur cette photo (ci-dessous) ou l'on voit bien qu'après un surfaçage le plat est bien plus prononcé sur les trois dernières frettes.
Une fois les frettes remises à niveau égal on allait pouvoir s'occuper de ce problème de hauteur de cordes.
Taylor a pour principe de visser ses manches, ce qui peut être pratique en cas de remplacement, donc pour régler l'action de jeux de ces guitares, on ne reprend pas le sillet de chevalet mais l'angle du manche.



















Après avoir démonté délicatement le manche on accède à ce qu'on appelle la "pocket neck" et à la cale d'origine posé par Taylor. Au préalable j'avais pris quelques mesures et fait un calcul de l'angle à refermer.




 Voici la cale d'origine vu sur sa tranche,






 

puis une fois reprise en biseau puisque j'ai enlevé 0,75 mm d'un côté, manoeuvre vraiment délicate et précise si l'on veut obtenir l'action souhaitée des cordes une fois le tout remonté.
La surface de la cale doit être vraiment droite pour plaquer de toute sa longueur entre le manche et le corps permettant ainsi le passage optimum de toutes les ondes qui circulent  à ce niveau.









 Après remontage, l'image parle d'elle même..







Et voilà on a réduit l'action d'une bonne moitié par rapport à son origine, j'ai aussi affiné le réglage au niveau du sillet de tête, en descendant légèrement les cordes au niveau de la première frette, ce qui a rendu la main gauche de son propriétaire pleinement satisfait de son acquisition.
Et malgré les petits défauts que j'avais pu trouver, c'est quand même une guitare qui sonne vraiment bien, maintenant.